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Kestuli

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L'ESCARPIN - Lord K

Publié par Lord K sur 24 Octobre 2018, 10:32am

Catégories : #Les nouvelles de Lord K

« Flash info ! Nous vous signalons un léger ralentissement en direction de Montpellier… »

 

La radio vient de cracher son message qui résonne encore aux oreilles des passagers de la Mercedes.

 - Ralentissement ! Tu parles ! On est à l’arrêt depuis trente minutes ! - s’écrit exaspéré Jean-François.

 - Quelle idée aussi de partir le week-end du quinze août ! -  lui réplique, énervée, Marie-Ange son épouse. - On voit bien que ce n’est pas toi qui conduis ! Et ne crie pas si fort, les enfants dorment.

Les Lafarge avaient décidé cette année de passer leurs vacances à Palavas avec enfants et belle-mère.

Une idée de Marie-Ange, comme d’habitude. Les enfants, Adeline et Yoan étaient ravis de passer la semaine avec leur grand-mère. Jean-François, lui, avait moyennement apprécié quand sa femme lui avait imposé la présence de belle-maman.

Ce n’est pas qu’il n’aimait pas Jacqueline, mais elle avait tendance à mettre un peu trop souvent son nez dans leur couple. Couple qui n’était plus à son Zénith depuis quelque temps d’ailleurs.

Tout en somnolant sur le siège passager, Jean-François rumine encore la conversation houleuse qu’il avait eu à ce sujet avec Marie-Ange. Il avait cédé. Encore une fois…

Il a laissé le volant à sa femme depuis quelques kilomètres et il le regrette déjà. Au moins lui, quand il conduit, il est concentré et ne se laisse pas distraire par…

Marie-Ange vient de freiner brutalement et a interrompu ses pensées vagabondes.

 - Qu’est-ce qui te prend Angie ? Tu veux nous tuer ou quoi ?

 - Ah, arrête de râler ! On roule à peine à cinquante !

 - À cause de toi, j’ai échappé mon portable !

Tout en grommelant, Jean-François tâtonne sous son siège à la recherche de l’objet fugueur.

Soudain il se fige. Sa main vient de heurter quelque chose. Et ce n’est pas son portable.

Discrètement, il touche, il palpe, il analyse et il comprend…

L’objet insolite n’est autre qu’un escarpin. Et il sait déjà qu’il n’appartient pas à Angie. Marie-Ange ne porte jamais d’escarpin. Trop grande pour ça, à ce qu’elle dit.

- Bon Jef, qu’est-ce que tu fous ? Tu trouves ?

La voix de Marie-Ange le sort de sa torpeur. Panique. Elle ne doit pas voir l’escarpin comprometteur. Vivement il le repousse et récupère son portable au passage.

 - Qu’est-ce que tu as ? T’es tout pâle.

 - Rien, j’ai dû me redresser trop vite.

Du coin de l’œil il observe sa femme, concentrée sur son volant. Elle n’a rien vu.

Comment cette chaussure a-t-elle pu arriver là ?

Il n’a pas besoin de trop fouiller sa mémoire. Il se souvient très bien.

Ça s’était produit la semaine dernière, à la fin d’une réunion. Ils avaient fêté la signature d’un gros contrat. Contrat arrosé dignement dans un de ces bars branchés du centre-ville.

 Elle s’était collée à lui toute la soirée. Petite, brune, moulée dans une petite jupe sexy, elle était jolie Caroline. Et jeune avec ça. Tour le contraire de son Angie…

Caroline travaille depuis longtemps avec Jean-François. Ils sont commerciaux, tous les deux. Jean-François ne s’était jamais intéressé à Caroline jusqu’à ce jour.

La boisson, l’euphorie, l’essoufflement de son couple et sans doute un peu de lâcheté l’avait amené à succomber. Dans sa voiture, sur le parking.

Rapide et pas très efficace. Pas de quoi laisser un souvenir impérissable. Le coup d’un soir, quoi !

Ils n’avaient jamais recommencé. Ils s’évitaient, même.

 - Jef ! Qu’est-ce que tu as ? Tu transpires !

Jean-François revient brutalement à la réalité. Il doit impérativement se débarrasser de l’escarpin.

Quand il pense qu’il y a moins d’une heure, Marie-Ange était assise à cette même place…

 - Oui, arrêtes-toi sur l’aire de repos là-bas, j’ai besoin de prendre l’air. Juste un peu de fatigue !

 Marie-Ange stoppe la Mercedes sur le parking de l’aire d’autoroute et s’apprête à sortir du véhicule.

 - Bon alors ! Tu ne sors pas ? Je vais aux toilettes, et c’est toi qui reprends le volant !

Dans le rétroviseur, il voit sa femme s’éloigner vers le relai routier. Jacqueline et les enfants somnolent encore à l’arrière de la voiture. C’est le moment !

Il empoigne l’escarpin, sort du véhicule en cachant la pièce à conviction sous son polo et se dirige vers les poubelles…

 - Qu’est-ce que tu fais ? Tu caches quoi sous ton maillot ?

Saisi d’effroi, Jean-François stoppe net, c’est la voix de Marie-Ange, là, derrière lui.

Il ne veut pas se retourner. Il ne peut pas se retourner. Une vie sans Angie défile devant ses yeux. Insupportable. Inimaginable…

Marie-Ange, lentement se place devant son mari. Ses yeux se posent sur l’escarpin dans les mains de Jean-François. Son visage se décompose, des larmes commencent à couler sur ses joues.

Jean-François ouvre la bouche mais aucun son ne sort.

C’est Angie qui parle la première.

 - Jef ! Je vais tout t’expliquer !

 

Derrière lui des portières claquent, il entend les enfants qui se chamaillent et la voix de Jacqueline retenti.

 - Les enfants, venez m’aider ! Je ne retrouve plus ma chaussure !

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